29 septembre 2025

[LIVRE] L' imaginaire érotique au Japon d'Agnès Giard (2016)

 Saison 1 - Episode 5 : L'érotisme comme miroir de la société Japonaise.


En 2006, alors que je préparais mon premier long séjour au Japon, j’ai cherché, comme beaucoup d'autres avant moi, à m’imprégner du pays à travers les livres. Certains, comme L’apprenti japonais de Frédéric Boilet, m’avaient donné un premier aperçu de ce choc culturel qui m’attendait. Mais un ouvrage allait marquer durablement ma vision du Japon et nourrir en profondeur mon envie de créer quelques années plus tard J-Pinku : L’imaginaire érotique au Japon d’Agnès Giard.

La découverte de ce livre a été une véritable révélation. Loin du racoleur ou du voyeurisme qui guette souvent dès que l’on aborde le Japon par le prisme de la sexualité, Giard propose une plongée anthropologique et historique. À travers l’exploration de pratiques érotiques et sexuelles parfois surprenantes, elle dessine une photographie culturelle du Japon, depuis ses mythes fondateurs jusqu’aux formes les plus contemporaines du désir et du fétichisme. On y croise autant les estampes érotiques shunga issues du monde flottant (ukiyo) que les fétiches d’aujourd’hui — culottes, poupées, tentacules —, en passant par les créations d’artistes modernes qui recyclent ou détournent ces codes dans le manga, la photographie ou l’art contemporain.


La force de ce livre tient à la méthode de son autrice. Journaliste et anthropologue, Agnès Giard allie érudition et curiosité sans jamais céder au jugement moral. Elle ne s’arrête pas à ce qui choque mais cherche toujours à comprendre ce que ces pratiques révèlent de la société japonaise. En refermant l’ouvrage, on comprend que l’érotisme n’est pas une excentricité marginale, mais bien un point de vue à travers lequel le Japon exprime ses contradictions, ses angoisses et ses obsessions.

Je savais déjà, à travers mes lectures, mes découvertes cinématographiques ou mes plongées dans l’art nippon, que l’érotisme constituait une clé essentielle pour comprendre le Japon. Mais ce livre a été une des pièces fondatrices qui a conforté cette intuition et l’a transformée en projet éditorial. Il a semé la graine de ce qui allait devenir presque 20 ans plus tard J-Pinku. Je n’avais plus seulement envie de voyager ou de m’étonner des différences culturelles : je voulais transmettre, partager, et montrer que derrière les fantasmes exotiques, il existe une profondeur historique et symbolique qu’on ne peut ignorer.



Agnès Giard, comme d’autres érudits que je tiens en haute estime — Stéphane Du Mesnildot, Stephen Sarrazin, Dimitri Ianni ou bien encore Julien Sévéon — a produit ici un véritable livre somme. Entre glossaires, lexiques linguistiques et illustrations magnifiques dues à divers artistes japonais, L’imaginaire érotique au Japon est une bible sur un sujet aussi vaste que complexe. On peut le picorer chapitre après chapitre selon son appétit ou le dévorer d’une traite tant il captive et surprend. La table des matières elle-même suffit à montrer la richesse de l’ouvrage : « L’amour des culottes », « L’eau et les tentacules », « La culture de la honte », « La crise de la masculinité », « Les poupées », « L’industrie du sexe », « Les jouets pour adulte »… Chaque chapitre, et souvent même chaque sous-chapitre, mériterait à lui seul un article approfondi. C’est une promesse pour l’avenir : certaines de ces thématiques seront reprises et développées ici.

Agnès Giard est également l’autrice d’autres ouvrages consacrés pour la plupart au Japon, comme Les objets du désir au Japon ou le Dictionnaire du plaisir et de l’amour au Japon. Elle anime aussi le blog « Les 400 culs » sur le site de Libération, où elle explore depuis des années la question des sexualités, des imaginaires et des représentations du corps.

Toujours disponible à la vente dans toutes les bonnes librairies physiques ou en ligne (au prix conseillé de 35 €), ce livre reste une référence incontournable pour quiconque souhaite comprendre le Japon au-delà des clichés. Je le recommande vivement non seulement aux passionnés de culture japonaise, mais aussi à ceux qui, curieux, veulent explorer ce que l’érotisme dit d’une société. Car au Japon, il ne s’agit pas seulement de plaisir, mais d’un langage culturel, d’une manière d’interroger l’histoire, le sacré et l’identité.

Pour moi, L’imaginaire érotique au Japon n’a pas seulement été une lecture marquante. C'est un de ces livres qui ont cristallisé mon envie de créer J-Pinku. Derrière ce blog, il y a cette conviction née en 2006 : que comprendre l’érotisme au Japon, c’est aussi comprendre le Japon lui-même.


À la semaine prochaine pour ouvrir ensemble une nouvelle porte rose du Japon.

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