Saison 1 - Episode 15 : La poésie du corps à la Japonaise
Il existe des artistes qui passent sous les radars jusqu’au moment où l’on tombe sur une image, une atmosphère, un visage, et que tout s’éclaire. Tetsuro Higashi fait partie de ceux-là. Photographe japonais encore discret mais déjà remarqué à l’international, il développe un univers où le nu devient un territoire esthétique, un espace de lumière et de silence.
Né et élevé à Tokyo, Higashi ne vient pas du milieu de l’art : il enseigne d’abord les mathématiques. La peinture apparaît dans sa vie à vingt ans, puis la photographie — qu’il apprend seul, avec une patience presque scientifique et une sensibilité profondément visuelle. Ses influences sont multiples : les estampes ukiyo-e qu’il observait enfant, la pureté des lignes de Botticelli, les déformations créatives de Picasso, et surtout la maîtrise du clair-obscur qu’il admire chez Rembrandt. Cette alchimie donne naissance à une signature immédiatement reconnaissable : des corps saisis comme des sculptures, baignés d’ombre et de lumière, vibrants d’une sensualité calme.
Higashi n’aborde jamais le nu comme une provocation. Chez lui, la nudité est une présence, une respiration, une manière de rappeler que le corps japonais porte autant de traditions que de modernité. Ses modèles ne « posent » pas vraiment : ils habitent l’image. Les lignes sont simples, les décors réduits à l’essentiel, les regards parfois à peine visibles. La suggestion prime toujours sur l’explicite. On retrouve là l’écho des estampes, la douceur des silhouettes ukiyo-e, mais transposées dans un langage contemporain, intime, presque méditatif.
À travers ses séries, dont certaines revisitent la figure de l’oiran — ces courtisanes raffinées de l’époque Edo — Higashi explore la manière dont un corps peut devenir un récit. Il ne cherche pas à reproduire fidèlement un passé disparu : il le réinterprète, l’imprègne de modernité, et laisse le spectateur naviguer entre réalité, fantasme et mémoire culturelle. Ce glissement entre tradition et présent donne à son travail une profondeur rare dans la photographie érotique contemporaine.
Son parcours est tout aussi singulier que ses images. Higashi a exposé en Turquie, en Chine, en France (notamment à Arles, au Festival Européen de la Photo de Nu), au Salon de la Photo à Paris, et dans plusieurs galeries japonaises. Cette reconnaissance internationale s’est construite naturellement, sans stratégie, simplement portée par la force de son regard et par l’intensité de ses modèles. Certaines collaborations ont d’ailleurs marqué sa carrière : l’une de ses séances, où une jeune femme posait nue pour la première fois en incarnant une courtisane moderne, a ouvert pour lui — et pour elle — les portes de l’Europe.
Aujourd’hui, son site officiel rassemble ses différentes explorations : nus monochromes, mises en scène inspirées des arts anciens, portraits épurés, recherches sur la lumière. Un travail cohérent, sensible, profondément japonais, mais ouvert à l’esthétique occidentale. Higashi appartient à cette génération d’artistes qui renouent avec la beauté sans renier la modernité, en assumant pleinement que l’érotisme peut être à la fois délicat, exigeant et visuellement puissant.
Découvrir Tetsuro Higashi, c’est découvrir une autre facette du nu japonais : moins provocante que celle d’Araki, moins conceptuelle que celle de certaines avant-gardes, mais tout aussi captivante. Un érotisme de clair-obscur, de silence, de lignes, qui traverse l’œil pour atteindre quelque chose de plus profond.
Son univers mérite qu’on s’y attarde.
À explorer sur : tetsurohigashi.com
À la semaine prochaine pour ouvrir ensemble une nouvelle porte rose du Japon.






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